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Politique

Retrait du Mali de la CEDEAO : Entre appréciations, regrets et inquiétudes

Pour la première fois depuis son existence, trois pays claquent la porte de la CEDEAO avec effet immédiat. Le Mali, Burkina Faso et le Niger ont annoncé le dimanche 28 janvier 2024 leur retrait de la CEDEAO.

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Pour la première fois depuis son existence, trois pays claquent la porte de la CEDEAO avec effet immédiat. Le Mali, Burkina Faso et le Niger ont annoncé le dimanche 28 janvier 2024 leur retrait de la CEDEAO. Une initiative des pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) accusant l’organisation sous régionale de ne pas avoir porté assistance à ces trois pays dans la cadre de la lutte contre le terrorisme et l’insécurité. Peu de temps après cette décision, dans un communiqué publié, la CEDEAO a critiqué la méthode utilisée par les trois pays. Le 29 janvier, ils ont tous envoyés des notifications officielles de leur retrait à l’Institution.

C’est une décision historique. Le retrait immédiat du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a provoqué le week-end dernier une onde de choc sur toute la sous-région et même au-delà. Aussitôt, l’organisation sous régionale a déclaré à travers un communiqué qu’elle n’a pas reçu de notification formelle directe de retrait de ces trois pays et déclare que ces trois pays sont « des membres importants de la Communauté » qui « reste engagée à trouver une solution négociée à l’impasse politique ». Le lendemain, les trois pays ont envoyé la lettre formelle. Selon le traité du bloc, les États membres souhaitant se retirer doivent donner un préavis écrit d’un an. La mise en œuvre de la décision de quitter l’organisation à 15 membres pourrait donc prendre du temps, ce qui ouvrirait la voie à des négociations. Également, des élections étaient prévues au Mali et au Burkina Faso en 2024 pour le retour à l’ordre constitutionnel conformément aux accords conclus entre ces pays et l’organisation sous régionale. Au Mali, la date a été repoussée sine die, et au Burkina Faso, aucune prétention.

Au fil des années, les trois régimes, qui sont sous sanction de l’organisation régionale, ont quitté le G5 Sahel, rompu les accords militaires avec la France, chassé la MINUSMA au Mali puis en septembre dernier, ont constitué l’Alliance des États du Sahel pour combattre le terrorisme et pour restaurer leur souveraineté. Cette nouvelle décision de retrait donne de plus en plus d’enthousiasme à la construction de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Dans un communiqué en date du 30 janvier 2024, le président de la commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahama dit avoir appris « avec un profond regret », l’annonce du retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO. Il en appelle à la conjugaison de tous les efforts, pour que l’Unité irremplaçable de la CEDEAO soit préservée et la solidarité africaine renforcée. Moussa Faki Mahamat invite les leaders régionaux, à intensifier le dialogue entre le leadership de la CEDEAO et les trois pays démissionnaires.

Dans l’histoire de la CEDEAO, il est à noter que la Mauritanie a été le premier pays à quitter l’organisation en 2000, après avoir donné un préavis d’un an en décembre 1999. Ce retrait de la Mauritanie n’était pas lié à une crise ou des sanctions consécutives à un coup d’État. La décision de Nouakchott, pourtant membre fondateur de cette communauté, avait été perçue comme une réorientation diplomatique vers l’Union du Maghreb arabe, dont la Mauritanie est membre fondateur en 1989.

Des points communs

Les pays de l’Alliance des États du Sahel partagent plusieurs points communs notamment des voisins appartenant à la bande sahélo-saharienne de l’Afrique, anciennes colonies françaises utilisant jusqu’à le franc CFA, dépendant du Trésor français, pays pauvres, ont tous connu des renversements de pouvoir, dirigés par des militaires et subissent des sanctions de la CEDEAO.

Des ingérences sur les décisions de la CEDEAO

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger rejettent l’influence des puissances étrangères sur les décisions de la CEDEAO. L’UEMOA avait suspendu le Mali de ses organes endossé des sanctions prises par la CEDEAO comme gel des avoirs financiers et d’autres sanctions économiques. Après la saisi par les avocats de l’État malien, la cour de justice de l’UEMOA a ordonné en mars 2022 la suspension des sanctions contre le Mali. Les pays de l’UEMOA ne se sont pas exécutés qu’en juillet 2022. La BCEAO qui n’a aucun lien légal avec l’organisation sous régionale n’a pas obéit. Or, aucun texte dans le cadre de l’UEMOA ne prévoit et ne permet la mise en œuvre de telles sanctions.
Le Niger est en train de subir les mêmes sorts que le Mali d’où l’ingérence de la France est visible pour les observateurs avertis.

Le Gouvernement du Mali rassure

L’annonce du retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger a suscité des réactions, entre appréciation, regrets et inquiétudes des ressortissants de ces pays surtout les commerçants du point de vue économique. Pour beaucoup d’observateur, ce retrait pourrait affecter négativement le commerce intra régional, la libre circulation des personnes et des biens ainsi que des flux financiers.
En 2022, les pays de l’AES représentaient 71,5 millions d’habitants, soit la moitié de celle des huit pays de l’UEMOA et un bon pourcentage de la CEDEAO qui compte 400 millions d’habitants. Ce sont aussi des géants en termes de superficie, avec 2,8 millions de kilomètres carrés.

Pour sa part, le Gouvernement du Mali rassure que ce retrait soit une opportunité. En conséquence, un Conseil extraordinaire des Ministres fût tenu le lundi 29 janvier à Koulouba qui portait sur les raisons et les opportunités du retrait du Mali et des autres pays de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Pour le Ministre des Affaires Étrangère, Abdoulaye Diop, il a souligné que la CEDEAO avait été détournée de ses principes fondateurs et utilisée contre les institutions, les États, et les populations des pays membres. « C’est le Mali qui a créé la CEDEAO avec d’autres pays. Ils n’ont pas créé le Mali. Nous sommes un pays éternel, nous avons existé avant la CEDEAO et les autres organisations. Nous avons une réponse géopolitique et géostratégique pour pouvoir avancer » dit-il.
Pour le Ministre de l’Économie et des Finances, il pense que les pays de l’AES ont des avantages financiers, notamment en termes de balance commerciale et d’investissements directs étrangers, qui découleraient de cette décision. « Le fait de se retirer de la CEDEAO nous permet de développer un marché intérieur, d’assurer une croissance à partir de cette économie intérieure. Concernant les impacts financiers à court terme, le Mali sort très gagnant de cette affaire ».


Le Ministre dépêché chez le Président Faure du Togo

Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali accompagné de son collègue de l’Économie et des Finances, a été reçu le mardi passé à Lomé par le président togolais, Faure Gnassingbé. Cette visite du diplomate malien intervient au lendemain de la sortie de son pays de la CEDEAO. Avec le président togolais, il a discuté des sujets d’intérêt commun à leurs deux pays. Selon le communiqué de la présidence togolaise, Abdoulaye Diop a fait au Président de la République, le point de la situation sociopolitique au Mali. Il a également évoqué avec le chef de l’État les questions de paix et de sécurité ainsi que les derniers développements politiques et institutionnels dans la sous-région. Point n’est besoin de le rappeler. Le Togo est l’un des rares pays que les autorités de la transition malienne écoutent. Son implication dans l’affaire des 49 militaires ivoiriens, accusés de mercenariat par Bamako, reste un fait fulgurant.

La jeunesse se mobilise soutenir le retrait

Dans cette foulée, le Ministère de la Jeunesse et des Sports en charge de l’instruction civique et de la construction citoyenne, a organisé le jeudi 01 février 2024, une mobilisation populaire de soutien à la décision de retrait de la CEDEAO du Mali, du Burkina Faso et du Niger, de façon simultanée dans toutes régions. Cette mobilisation pour les organisateurs avait « pour but de soutenir et de célébrer cette courageuse décision mais aussi une occasion inouïe de renforcer l’élan patriotique des trois pays de l’Alliance des États du Sahel » dit-il le communiqué.
La CEDEAO dont le siège est à Abuja, au Nigeria, pourrait convoquer un sommet extraordinaire pour discuter du retrait, sous le leadership du président nigérian, Bola Tinubu.

Reste à savoir si les trois pays quitteront l’UEMOA pour créer leur propre monnaie ? Et comment faire pour que, lorsque la nouvelle monnaie est lancée, elle marche ?

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